AUSTRALIE | L’incontournable Kings Canyon
Le nez dans mon Petit Futé d’Australie, je prends conscience d’arriver à la section du guide que je redoutais le plus, celle du Red Centre.
Autrement appelé le Centre Rouge, ce désert hostile et brûlant au cœur de l’Australie est un endroit isolé du reste du monde. Je le sais depuis le début du voyage, nous y passerons, même si cette idée m’angoisse terriblement…
J’étais loin d’imaginer que ce serait le moment le plus intense de mon voyage et mon meilleur souvenir du pays des kangourous, notamment marqué par la découverte de Kings Canyon.
Rendez-vous en terre brûlante
Suivant l’itinéraire que nous avions élaboré avec Tom, nous roulons en direction du Parc National de Watarrka, en Territoire du Nord, où les aborigènes Luritja vivent depuis plus de 22 000 ans.
Un contraste avec le reste du pays qui semble avoir effacé toute empreinte aborigène, offrant des villes modernes nous ayant presque fait oublié l’histoire de ce continent.
Nous nous dirigeons donc vers Kings Canyon (dont l’entrée est gratuite), presque à équidistance d’Alice Springs et d’Uluru, qui nous fera quitter Lasseter Highway pour un crochet de 400 kilomètres aller-retour. Pas le choix, il n’y a pas d’autre route goudronnée praticable avec notre van.
Pour vous rendre à Kings Canyon, rien de mieux que de demander à l’Office de Tourisme du lieu d’où vous venez, le meilleur itinéraire et les consignes à respecter. Faites confiance aux locaux et aux experts qui connaissent l’état réel et actuel des routes, même si cela rallonge votre parcours de plusieurs centaines de kilomètres.
Lorsqu’il s’agit du désert, on perçoit une tensions sur le visage des Australiens, comme pour transmettre une mise en garde à prendre au sérieux.
On ne plaisante pas lorsqu’il s’agit d’affronter cette nature sauvage, sans trace de l’Homme et de ses structures modernes.
Le danger ? C’est vous-même . Non habitué à des températures extrêmes et à un soleil de plomb, le manque d’anticipation en carburant ou en eau potable peut vite devenir problématique dans cet endroit coupé de tout.
Nous étions avertis et avions prévu 25 litres d’essence dans un jerrican ainsi que 40 litres d’eau dans notre van, pour une virée sereine.
Au départ de la Rim Walk, à Kings Canyon
Le temps nuageux et un léger vent chaud nous laissera le souvenir d’un trajet agréable à l’abris du soleil brûlant qui cuit l’unique route déserte.
Nous avons entendu parlé d’une randonnée incroyable à faire sur le canyon, la Rim Walk. J’aime prendre les conseils d’autres voyageurs ou des australiens que nous avons croisé car ils sont authentiques. Tous étaient unanimes sur cette excursion à Kings Canyon, à mettre absolument au programme de sa vie.
Nous y arrivons, soulagés de ne pas avoir eu de panne sur la route et de voir qu’il est encore très tôt. Heureusement car la marche ferme à 8 heures du matin pour empêcher les fortes chaleurs de déshydrater les randonneurs venus aux heures chaudes.
D’après ce que j’ai lu et ce que je vois maintenant, le circuit de 6 kilomètres est classé difficile avec, sous mes yeux, une côte interminable qui constitue le début de cette marche.
GRrrr, mais pourquoi ne suis-je pas sportive ?
OK ce chemin semble impraticable. Il est même appelé « la montée des infarctus », en raison de la difficulté à le grimper, mais je veux aller au sommet du canyon et j’y arriverai !
Armée d’une volonté de fer, je grimpe les marches rouges en regardant mes pieds, surtout pas en haut, surtout pas en bas. C’est difficile, je sens le besoin de m’arrêter souvent mais j’entends Tom m’encourager et je retrouve des forces pour me hisser jusqu’en haut .
La 500ème marche marquera la fin de cette épreuve physique intense et le triomphe de mon exploit personnel. Victoire certes, mais sensiblement amoindrie par les autres visiteurs arrivés au sommet sans difficulté…
Le choc d’une nature démesurée
C’est alors que je regarde autour de moi pour la première fois.
Mon regard se pose sur de la roche orange, des falaises immenses à perte de vue, un paysage assommant, immobile et silencieux juste sous mes yeux. Et je prends une claque pour la première fois.
Je suis devant un précipice naturel de 270 mètres de haut, entourée de cailloux qui me rendent minuscule, et je n’ai pas de mot. Je crois même que je reste figée, comme dans les films, éblouie par ce spectacle préhistorique.
On se croirait hors du temps, rien que de la roche et de la végétation dans son état le plus pur. La nature a formé cette faille profonde que l’on appelle un canyon et depuis, plus personne n’a osé y toucher.
Quel privilège de poser le pied ici, de pouvoir explorer l’oeuvre de Dame Nature : une érosion vieille de plusieurs millénaires.
Explosion d’émotions garantie
Sur le sentier de 6 kilomètres, qui fait le tour du précipice, les émotions sont intenses. La peur a disparue, remplacée par l’excitation et l’admiration de cette découverte. Le parcours nous tiens en haleine et nous fait avancer au cœur des falaises tels des aventuriers solitaires en quête d’extase.
Nous prenons quelques pauses pour boire, pour admirer silencieusement ce qui s’offre à nous et se sentir heureux et reconnaissants de ce que nous sommes en train de vivre.
Ce moment, pour nous éphémère, est en totale opposition avec l’éternité du paysage, gravé à tout jamais au cœur du désert.
Nous avons oublié le reste pour rester focalisé sur l’essentiel et activer avec conscience tous nos sens. On pose respectueusement nos mains sur l’ocre rouge brûlante pour ressentir sa force, on observe de près les traces du temps sur la pierre qui lui laisse des rides incroyables et on écoute le silence qui émane de ce lieu extravagant.
Car cette randonnée, ce n’est pas juste une marche touristique mais un véritable voyage au cœur de la Terre, celle des aborigènes.
Sans s’en rendre compte, le parcours nous fait grimper sur la roche, traverser un petit pont suspendu entre deux falaises, prendre de la hauteur et descendre par un escalier de bois dans les entrailles du canyon.
A la découverte du jardin d’Éden
Au pied des marches nous accueille une oasis invraisemblable : un trou d’eau d’un bleu profond entourée d’une végétation dense, chargée en nuances de vert. Un écrin de vie existe là, en secret, tout au fond du canyon et il est appelé « Le Jardin d’Éden ».
Nous nous approchons de l’étendue d’eau qui nous offre un climat frais et agréable que nous avions oublié. Tellement absorbé par la paysage d’en haut, nous avions ignoré la chaleur du soleil caché derrière les nuages.
Paradoxalement c’est en regardant vers le haut que j’ai ressenti la sensation de vertige.
Assis au bord de l’eau, profitant du calme d’en bas, on ne peut que s’interroger sur cet étrange mariage que la nature nous offre. Une oasis luxuriante en plein cœur du désert, c’est suffisamment surprenant pour paraître irréelle.
Comme pour saluer la beauté de cet autre univers, nous y restons un long moment tous les deux avant d’être rejoins par d’autres touristes … français, amusés eux aussi de trouver des compatriotes dans ce lieu insolite.
L’heure est à la reprise du sentier, où nos jambes semblent marcher toutes seules, un peu épuisées, par les émotions, la chaleur et surtout les kilomètres déjà parcourus.
L’indélébile expérience
Nous ralentissons en marchant le long des gorges, sur la façade opposée à celle où nous étions quelques heures plus tôt. Le temps semble plus long de ce côté, je pense que c’est juste le corps qui nous rappelle à l’ordre car il est impossible que la magie se soit dissipée.
Le chemin monte encore puis redescend, nous arrivons sur des plaques immenses et irrégulières, il faut lever les pieds pour traverser les vagues de roches dessinées sur le sol, comme à marée basse.
Et petit à petit nous laissons le vide derrière nous pour parcourir ces étendues de far ouest, à peine animées par la végétation. Il fait chaud et la sensation d’avoir le visage devant un sèche cheveux depuis des heures ne me quitte plus.
J’aimerai penser à autre chose mais je suis obligée de me concentrer sur mes pas pour la descente et je sens déjà que ce voyage se termine. Le panorama est derrière nous, et le sentier nous ramène au pied du paysage, avec le sentiment d’une délicieuse nostalgie.
C’est terminé, nous remontons à bord de notre van et prenons la route qui nous éloignera de ce lieu, déjà lointain que nous ne reverrons sans doute jamais.
L’inoubliable expérience sera retracée dans nos photos, à travers ces mots et à tout jamais en nous.
Ce fût le meilleur moment de mon voyage en Australie où nous avons pourtant passé 10 mois. Cette marche incroyable dont j’avais entendu parler comme d’une légende, est la plus belle et la plus intense qu’il m’est été donné de faire.
J’ai ressenti du partage avec cette nature qui nous a offert son oeuvre, et beaucoup de gratitude. C’est également à ce moment du voyage que j’ai arrêté d’avoir peur et que j’ai réellement compris ce que c’était de voyager en se sentant libre…
Et vous, est ce que voyager vous donne ces sensations ? Vous connaissiez Kings Canyon ?